Parce que chaque vie est importante [PV Tempête de Feu]

Depuis la disparition d'Oeil des Lymbes et Nuage de Bruyère, et encore plus depuis leur dernière patrouille, le Clan du Soleil était en ébullition. Aurore des Flammes et Perce-Neige avaient bien du mal à rassurer le clan et à calmer la peur. Des bipèdes sur le territoire n'annonçait rien de bon. Certains pensaient même que les disparitions y étaient liées. Tempête de Feu était de ceux-là.

Il était parti seul, ce jour-là. Comme beaucoup d'autres jours depuis la Seconde Grande Déchirure. Mais cette fois, son objectif n'était plus de faire passer le temps pour oublier qu'il souffrait. Pour la première fois depuis des semaines, une flamme s'était rallumée dans son cœur. Une flamme de détermination.

Peut-être était-ce parce qu'il voulait se racheter en retrouvant leurs guérisseurs. Peut-être espérait-il obtenir le pardon des Aurores Boréales. Peut-être espérait-il obtenir son propre pardon. Quoi qu'il en était, il ne vivait plus que dans l'idée de démasquer le mal qui les menaçait. Cette idée le hantait, jour et nuit. Il ne parlait toujours pas, non pas parce qu'il était triste et en colère, mais parce qu'il réfléchissait. On avait même commencé à de nouveau oser le charrier. Il voulait élucider ce mystère. Il voulait découvrir qui ou quoi se cachait derrière tout cela. Et il ne s'arrêterait pas tant qu'il ne l'aurait pas trouvé.

Ce n'était pas comme s'il avait un jour dormi la nuit, de toute façon.

Toute la nuit, en fixant le plafond de la tanière, il avait passé en revue tout ce qu'ils savaient. Ce jour-là, le nez au sol, il avait traversé toute la forêt. Il avait remonté toutes les traces qu'ils avaient déjà trouvé, avait ré-exploré toutes les pistes. Il avait ignoré la pluie qui s'était mise à tomber à travers les feuilles, était passé à travers les flaques qui se formaient sur son chemin sans s'en soucier. Lui qui avait la phobie de l'eau. Il n'y pensait même plus.

La piste remontait à l'est, jusqu'au territoire du Clan de l'Aube. Il s'arrêta à la lisière du bois, et regarda au loin. Sa nuque l'élançait tant il avait gardé la tête baissée, mais il l'ignora. Les odeurs partaient à cause de l'eau, mais il les discernaient encore nettement. Elles partaient sur le territoire du Clan de l'Aube, et qui sait jusqu'où elles pouvaient bien aller. Il plissa les yeux en apercevant les hautes tanières des bipèdes au loin dans la brume. Jusqu'à leur repaire ?

Il n'eut pas le temps de formuler d'autre pensée ; une chatte noire bondit devant lui en grognant, le poil hérissé. C'était Aurore de Bruyère, la nouvelle cheffe du Clan de l'Aube.

- Tempête de Feu, j’espère que tu as une bonne raison de te trouver sur mon territoire.

La pensée qu'elle connaissait son nom le traversa l'espace d'une seconde, avant de s'en aller aussitôt. Il resta de marbre et l'ignora, elle aussi, avant de montrer le reste du territoire du bout de son nez perlant de pluie.

- Cette piste de bipèdes, là. Jusqu'où elle va ?

La Seconde Grande Déchirure ne lui avait pas fait perdre son insolence. Même s'il n'avait plus son beau sourire narquois et sa voix moqueuse, même si son visage n'avait jamais été aussi sérieux de toute sa vie, il n'avait pas oublié les mauvaises manières. Qu'importe. La situation était beaucoup plus importante que cela.