Premier jour à la pouponnière ft Petite Lumière

Je me réveillais à l’aube ce matin. Je m’étais endormie près de l’entrée de la pouponnière et le soleil était venu me chatouiller le museau avec ses premiers rayons. Je m’étirai longuement. Le camp semblait encore calme. J’avais envie de me dégourdir les pattes mais les chatons n’avaient pas le droit de s’aventurer trop loin de la pouponnière. C’est ce que Rose des Vents nous avait dit. Mais j’avais le droit de jouer devant, non ? Je n’allais pas jouer toute seule tout de même… Un coup d’œil derrière moi et je vis Petite Lumière et Petit Chêne qui dormaient paisiblement. Allais-je les réveiller ? Evidemment ! Enfin, juste ma sœur. Un petit coup de museau et de langue sur la tête de Petite Lumière. Elle grogna légèrement mais ouvrit ses yeux.

« Viens, on va jouer un peu dehors avant que tout le monde ne se réveille ! Il fait super beau, autant en profiter ! »

Avant que ma sœur ne puisse me répondre, j’entendis du mouvement derrière nous. C’est Petit Chêne qui se réveillait doucement également. Zut, je n’ai pas été très discrète.

« Excuse-moi Petit Chêne, je ne voulais pas te réveiller…

- Ne t’inquiète pas, ce n’est rien. Vous voulez aller dehors ? Mais… on n’a pas le droit normalement…

- On n’ira pas très loin, juste devant la pouponnière, le temps que tout le monde se réveille. Vous en dites quoi ? »

Je sautillais sur place. J’avais terriblement envie de me dégourdir les pattes et j’espérais avoir des compagnons d’aventures !

Maman et Papa sont vraiment amoureux l’un de l’autre. J’adore quand ils rient ensemble comme ça. Quand Lune fais la tête c’est encore plus mignon, et drôle ! Notre famille est géniale, je ne l’échangerai pour rien au monde !

– Mais tu ne vas pas avoir le choix, petite, me dit une voix maléfique qui sort de nulle part.

Alors que le reste de ma famille vaque toujours à ses occupations, je tourne la tête dans tous les sens, essayant de comprendre d’où vient la voix.

– Vous avez entendu ? Je demande à mes parents.

Mais ils ne sont plus là. Ils ont disparu. Je me tourne alors brusquement vers Lune mais elle non plus, n’est plus là.

Je me réveille alors soudainement, paniquée. Heureusement, mon regard trouve immédiatement Lune qui discute avec notre nouveau frère, Petit Chêne. Qu’est-ce qu’elle manigance encore ? Je préfère retourner à la réalité et écouter ce que dis ma sœur, au lieu de penser à mon rêve. Faisons-en sorte qu’il ne se réalise pas. J’ai déjà perdu mes parents. Je ne perdrais pas ma sœur.

– J’en dis que je ne veux pas avoir d’ennuis dès notre premier jour. Que se passera-t-il si le Clan décide finalement de nous laisser seules parce qu’on n’est pas assez obéissants ?

J’en frissonne.

– Tu as dis que sortir de la pouponnière était interdit, Petit Chêne ?
– Euh… Oui. On n’a pas le droit de sortir sans l’autorisation d’une Reine.
– Tu vois Lune ? Donc, on attend.

Ma sœur a un sommeil agité. Je m'inquiète pour elle, mais je sais que, si elle en ressent le besoin, elle m'en parlera. Je ne veux pas la forcer, je sais qu'elle a aussi besoin de temps. J'ai beau jouer les dures à cuire et faire bonne figure, je n'en suis pas moins dévastée à l'intérieur. Mais je dois être forte, pour elle.

En attendant, je devais bien m'attendre à ce qu'elle ne soit pas d'accord. Elle ne veut jamais que je m'amuse quand on n'a pas le droit. Ce n'est vraiment pas drôle...

« Oh je t'en prie Lum', ils ne vont pas nous chasser parce qu'on aura osé jouer devant la pouponnière. On a bien le droit de se dégourdir les pattes aussi ! Moi, je ne veux pas rester enfermée.

- Et... oubliez pas, vous avez changé de nom... s'ils vous entendent vous appeler par vos anciens noms, je ne suis pas sûre qu'ils apprécient...

- Faites ce que vous voulez. Moi, je sors. »

Ma bonne humeur était un peu retombée, mais je n'allais pas rester ici. Je les regardais une dernière fois, une lueur de défi dans le regard. Puis, un sourire se dessina sur mon visage et je mis une première patte dehors, puis une deuxième et enfin, mon corps entier. Je sentis le soleil réchauffer ma fourrure. Qu'est-ce que ça faisait du bien ! Je m'étirais longuement sous les rayons de l'astre, ronronnant de plaisir. Puis, je me mis à courir un petit peu devant, amorçant des cascades que j'aimais bien faire. Saut et atterrissage, roulade, esquive. Enfin, du niveau d'un chaton évidemment. J'étais bien là, et je comptais bien encore profiter du soleil.

La moue de Lune est évocative. C’est celle qu’elle fait quand elle trouve que je suis trop stricte, que je suis trop les règles. Bref, que je ne suis pas assez « amusante ».  Mais ce n’est pas être amusante qui va nous garder en vie. Nous avons beau avoir été acceptés dans le Clan, nous ne sommes pas des membres de sang et je suis persuadée que si nous posons problème, nous quitterons cet endroit aussi vite que nous y sommes entrées. Sans parler du fait que nous devons leur être reconnaissante et le suivi de leurs règles en fait partie. J’aimerai que Lune comprenne ça…

Alors que ma sœur sort de la tanière, je ne m’empêcher de soupirer et me tourne vers Petit Chêne.

– Je suis désolée. Elle est comme ça. J’espérais que la mort de nos parents la ferait grandir un peu mais on dirait que seul le temps a ce pouvoir.

Ma gorge se bloque. Dire tout haut le mot « mort » a été plus difficile que prévu mais je me dois de rester forte. Je dois aller de l’avant. Pour Lune. Pour que nos parents ne soient pas partis pour rien.

– Je vais aller la chercher. Reste-là Petit Chêne. Je ne voudrais pas que tu ais des problèmes à cause de nous. Et, ne t’en fais pas, nous allons faire des efforts pour nous appeler par nos nouveaux noms.

Sur ce, je me redresse et cours à la poursuite de Lune qui s’amuse à sauter dans tous les sens. Le premier adulte qui passera par-là, la verra immédiatement. Mince, quand elle est dans cet état, il est compliqué de la raisonner.

Au fond, j’ai envie d’être comme elle. Insouciante et frivole. J’ai envie de courir partout moi aussi. Mais je ne peux pas me le permettre.

Courant à nouveau, je me place devant Lune et hausse la voix.

– Petite Lune ! N’as-tu donc pas la moindre once de reconnaissance pour ce Clan qui nous a sauvé la vie ? Es-tu vraiment prête à mettre notre place ici en jeu pour pouvoir sauter dehors ? Parce que moi non.

Je suis peut-être un peu sèche mais Lune doit comprendre. Elle le doit.

Lumière n'est pas drôle. Je veux juste sortir un peu et prendre l'air. Qu'y a-t-il de mal à cela ? Ma sœur est trop à cheval sur les règles, elle ne sait pas se lâcher. Je sais qu'elle voudrait que je sois un peu plus sérieuse, un peu plus comme elle en fait, à faire attention, à être rationnelle. Mais ce n'est pas moi. Moi, je veux m'amuser, profiter du fait qu'on n'ait pas de responsabilités pour jouer, découvrir le monde, tout ça. Tant pis, je peux aussi m'amuser sans elle. Il y aura bien un papillon derrière lequel je pourrais courir.

Me voilà dehors, seule, à profiter du soleil. Je me dégourdis les pattes, ronronne de plaisir en sentant le soleil réchauffer doucement mes poils. Que c'est bon d'être dehors ! Malheureusement, mon bonheur est de courte durée puisque j'entends déjà ma sœur me rejoindre. Je m'arrête net lorsqu'elle se poste devant moi, visiblement énervée. Ce ton qu'elle prend, il est différent de celui qu'elle utilisait quand... avant. Il est plus dur, plus sec. Mais je ne vais pas me laisser faire pour autant. Si elle ne veut pas s'amuser, c'est son problème, mais qu'elle me laisse tranquille, je ne fais rien de mal.

« Je ne fais rien de mal ! Bien sûr que je leur en suis reconnaissante ! Veux-tu bien m'expliquer en quoi mettre une patte hors de la pouponnière les dérangerait ? Ce n'est pas comme si je les embêtais. Je m'amuse. Mais visiblement, je n'ai pas le droit. Ce n'est pas comme si j'étais sortie hors du camp, je suis devant la pouponnière et je ne fais de mal à personne. Si tu as peur d'être expulsée à cause de moi, tu n'as qu'à rentrer... »

Je m'éloigne un peu d'elle, lui laissant ainsi le chemin libre pour retourner à la pouponnière. Mais je tourne quand même ma tête vers elle.

« La mort de nos parents m'affectent autant que toi, mais ils ne voudraient pas qu'on se dispute pour une chose aussi futile que ma passion à sauter dehors. Je doute qu'Aurore des Flammes m'en veuille parce que je profite du soleil et que je ne veux pas rester enfermée dans la pouponnière. Mais si tu préfères retourner à l'intérieur, je ne te retiendrais pas... »

Je marche encore un peu et finit par me coucher, à côté de la pouponnière, dans une zone baignée de rayons de soleil. Je suis refroidie et parler de nos parents m'a rendue triste. Je pose alors ma tête par terre, le regard dans le vide.